Restaurateurs vs émetteurs de titres-restaurants : une “class action” est lancée pour obtenir des dommages et intérêts

Brandeis Fiducie, une société fiduciaire française gérée par les avocats du cabinet bureau Brandeis, prépare une action de groupe contre les émetteurs de titres-restaurant. Indépendants ou chaînés, tous les restaurateurs et distributeurs qui ont accepté des titres-restaurants entre les années 2002 et 2018 sont invités à rejoindre les 3000 points de vente déjà regroupés, comme l’explique Marc Barennes, expert en droit de la concurrence au sein de bureau Brandeis.

Quel est le contexte ?

Marc Barennes : En décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a condamné les émetteurs de titres-restaurant – Edenred France, Up, Natixis Intertitres et Sodexo Pass France – à une amende de 415 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles. Ces pratiques illégales visaient, selon l’Autorité de la concurrence, à limiter l’entrée de nouveaux acteurs sur ce marché ou la dématérialisation des titres-restaurant. Et ça sur une période longue, de 2002 à 2018. Ces pratiques anticoncurrentielles leur ont permis de maintenir les taux de commission facturés aux restaurateurs à des niveaux excessivement élevés. Avec la CRT, la Centrale de Règlement des Titres, les émetteurs ont fait appel de la décision de l’Autorité de la concurrence devant la Cour d’appel de Paris… L’audience devant la Cour d’appel est fixée au 18 novembre 2021, et le jugement attendu début 2022.

En quoi la class action consiste-t-elle ?

M. B. : C’est une action de groupe pour obtenir des dommages et intérêts pour les restaurateurs et distributeurs qui ont accepté les titres-restaurant au cours de tout ou partie de cette période. Et qui, en raison des taux de commission excessifs, ont subi un préjudice financier, que nos économistes ont chiffré pour l’ensemble des accepteurs de titres-restaurants à près de 2 milliards d’euros.

Quelles sont les étapes suivantes ?

M. B. : Soit la Cour d’appel de Paris donne raison aux émetteurs, auquel cas il n’y a pas de class action possible. Soit, comme nous le pensons, la Cour d’appel de Paris rejette leur appel, auquel cas une action en dommages et intérêts pourra alors être introduite devant le Tribunal de Commerce de Paris.  Une telle action devant le Tribunal de commerce pourrait conduire à l’adoption d’un jugement d’indemnisation deux ans plus tard, sauf si une transaction intervient avant. Si les émetteurs font appel du jugement du Tribunal de commerce, la Cour d’appel pourrait alors rendre un arrêt dans les deux ans.

Pourquoi avez-vous pris le risque de lancer l’action de groupe avant que la Cour d’appel rende son arrêt en début 2022 ?

M. B. : D’abord parce que nous estimons ne pas prendre un gros risque en tablant sur un arrêt de la Cour d’appel qui confirmerait la décision de l’Autorité de la concurrence. Ensuite, parce que nous voulons commencer le processus d’indemnisation le plus tôt possible. L’an prochain, après le jugement, nous proposerons aux restaurateurs qui le souhaitent un dédommagement forfaitaire, inférieur à ce qu’ils pourraient récupérer au terme de la procédure -donc 4 ans, ndlr-  mais à percevoir immédiatement.

Il existe déjà une action de groupe menée par TransAtlantis. En quoi vous différenciez-vous ?

M. B. : Nous sommes une société fiduciaire d’avocats : c’est cette entité réglementée qui est mise en place pour demander réparation. Elle est capable d’agir sans frais pour les restaurateurs puisque c’est une société de financement de procès qui les prend à sa charge. Si l’action échoue, c’est cette société de financement de procès qui doit absorber les frais. Si l’action est victorieuse, alors elle prélève pour couvrir ses frais et à titre de commission 30 % des montants récupérés par les restaurateurs (25 % pour ceux qui ont plus de 50 établissements) sans qu’aucun autre frais ne soit prélevé. Concrètement, la fiducie constitue un mécanisme très protecteur sur le plan juridique pour le restaurateur : le restaurateur garde un droit de regard sur sa créance ; elle est transférée, provisoirement, à la fiducie jusqu’à son recouvrement. Ce qui signifie que nous devons lui rendre des comptes, ou, par exemple, que la fiducie ne peut pas transiger avec les émetteurs des dommages inférieurs de 50 % au préjudice subi sans l’accord préalable des restaurateurs. Il faut savoir que les actions de groupe se finissent quasi-systématiquement en négociations…  Ca devrait l’être d’autant plus que l’Autorité de la concurrence mène actuellement une nouvelle enquête pour pratiques anticoncurrentielles contre les mêmes émetteurs de titres-restaurant.

Concrètement, je suis un restaurateur, j’ai accepté les titres-restaurant sur la période donnée, comment est-ce que je procède ?

M. B. : Il faut nous fournir des informations de base sur votre entreprise et les bordereaux d’acceptation des titres-restaurant, ou, à défaut, les bilans de l’entreprise sur cette période. Vous pouvez vous rendre sur notre plateforme sécurisée de collecte des données, actiontitreresto.fr. En bétatest depuis le 28 octobre, cette plateforme efficiente propose en pop-up une explication simplifiée de la convention de fiducie -25 pages de langage juridique.
Il faut comprendre que participer à la class action est sans risque… Ça n’est pas payant !